Dans le cadre de la classe inversée, une fois les connaissances apprises et comprises par les étudiants, nous, les enseignants, pouvons les faire travailler sur des activités de haut niveau cognitif comme la résolution de problèmes. A l’exposé aux étudiants d’une situation actuelle insatisfaisante, se pose le problème à résoudre. Pour comprendre le type de travail collaboratif que cela demande, voyons l’exemple suivant qui concerne un projet concret.
Une situation actuelle insatisfaisante en neurosciences !
Actuellement, il n’existe pas de possibilité pour les étudiants de licence qui suivent un cours de neurosciences, de réaliser des expériences d’électrophysiologie. Il faut qu’ils atteignent le niveau M1 voire M2 pour, lors de leur stage pratique en laboratoire de recherche, avoir accès à un poste d’électrophysiologie. De plus, comme il s’agit d’un matériel couteux, fragile, et souvent modifié par les chercheurs pour s’adapter à leurs sujets d’étude, ces derniers hésitent souvent à laisser leur matériel entre des mains non expertes. Il se passe donc en général un temps d’observation et de formation plus ou moins long avant que les étudiants puissent expérimenter par eux-mêmes. Tout ceci empêche ou retarde fortement l’acquisition de leurs compétences expérimentales en neurosciences et raccourcit leur temps effectif de stage.
Problème posé : Comment améliorer la formation des étudiants de licence en électrophysiologie expérimentale avant leur stage en laboratoire de recherche ?
Propositions de solutions par les étudiants après réflexion en groupes de travail :
1. Un laboratoire virtuel d’électrophysiologie (sur ordinateur)
2. Un laboratoire d’électrophysiologie réel mais minimal, spécialement conçu pour les étudiants et qui leur est réservé
Les étudiants discutent en groupe sur les deux possibilités afin de choisir la solution qui leur parait la meilleure. Ils identifient les causes qui ont fait que la solution 1 ou 2 n’a pas été mise en pratique jusqu’à présent et s’il est possible de les surmonter. Ils analysent ensuite les besoins : à qui ce nouveau laboratoire rendra-t-il service (les étudiants, les équipes de recherche) ?, sur quoi agira-t-il (sur la connaissance des appareils d’électrophysiologie et leur manipulation, sur la pratique des techniques électrophysiologiques et des méthodes de raisonnement ?), dans quels buts créer ce nouvel objet (parfaire la formation des étudiants en licence, permettre un gain de temps pour aborder les sujets de stages de maitrise, simplifier le travail des maitres de stage dans les laboratoires de recherche ?).
Supposons que les étudiants portent leur choix final sur la solution 2 et décident de monter ce projet.
Monter un vrai laboratoire d’électrophysiologie réservé à l’enseignement en licence
Les étudiants rédigent le cahier des charges et analysent les différentes contraintes que le projet devra satisfaire :
• Contraintes physiques : lieu d’implantation du laboratoire en tenant compte du type de local (surface), des contraintes d’accessibilité, de température et de lumière
• Contraintes techniques : achat d’appareils et matériels de laboratoire généraux mais aussi spécifiques à la manipulation de cellules vivantes. Pour limiter les coûts, ces contraintes peuvent faire l’objet de collaborations avec d’autres laboratoires.
• Contraintes humaines : le personnel nécessaire pour maintenir et faire fonctionner l’équipement, pour encadrer les étudiants ; des collaborations à établir sont envisageables pour mutualiser ces moyens humains
• Contraintes économiques : budget d’équipement et de fonctionnement à estimer annuellement
• Contraintes de temps : calendrier des actions listées ci-dessus
Pour réaliser ce cahier des charges, les étudiants sont tutorés par leur enseignant mais ils peuvent aussi contacter des experts (chercheurs, ingénieurs, étudiants en thèse, représentants de matériel d’électrophysiologie…).En fin de réflexion, il est nécessaire que le groupe de travail évalue de nouveau et de façon argumentée si le gain pédagogique de ce nouveau laboratoire justifie le coût de montage et de fonctionnement et fournisse une analyse SWOT (strength-weaknesses-opportunities-threats ou forces-faiblesses-opportunités-menaces) du projet proposé.
L’évaluation du projet
Une réflexion finale sur le projet doit être mise en œuvre afin de répondre à de nouvelles questions : Le projet ainsi exposé est-il réalisable ? Les différentes contraintes ont-elles été toutes prises en compte ? Est-il évalué correctement en termes de budget, de calendrier ?
Toutes les étapes ci-dessus peuvent être entièrement réalisées par les étudiants y compris l’évaluation par les pairs, chaque groupe évaluant un autre groupe comme s’ils faisaient partie d’un jury de sélection de projets à financer.
Constance Hammond